"Chasseurs de chimères"
Serge Lehman
(Omnibus SF - 1240 pages - 2006)

L'archéologie du futur

La littérature de science-fiction fait partie de ces mauvais genres ignorés de l'université, négligés par la critique, et dont l'histoire savante reste pour partie à écrire. Parmi les outils susceptibles d'éclairer l'amateur et le novice, l'anthologie est sûrement le plus efficace. Les éditions Omnibus consacrent avec bonheur quelques uns de leurs titres à cette archéologie de la SF.

La nouvelle anthologie "Chasseurs de chimères" en librairie le 21 septembre 2006, compile onze textes non réédités et introuvables, un bouquet de romans et de nouvelles qui composent un panorama de "L'âge d'or de la science-fiction française", entre 1887 et 1953. Présentée par Serge Lehman, jeune écrivain dont l'introduction documentée et les notices d'auteurs valent à elles seules le détour, la sélection s'applique à restituer une vérité oubliée : la SF n'a pas été inventée aux USA quand Hugo Gernsback l'a nommé en 1926. En France, entre Verne et Barjavel, un siècle entier et plus de trois mille titres de romans et nouvelles ont été oblitérés par la mémoire sélective de l'édition. Ces auteurs, que Maurice Renard présentait en 1909 sous l'étiquette de "merveilleux scientifique", ont laissé une œuvre variée à redécouvrir, où déjà se décèlent les germes des grands thèmes et des lois du genre.

Des tribus nomades préhistoriques font face à une race inconnue qui leur dispute la suprématie terrestre, dans le très moderne "Les Xipéhuz" de JH. Rosny Ainé (1887). Un ovni embarque des hommes pour un voyage dans le système solaire, dans "La Roue fulgurante" de Jean de la Hire (1907). Une intelligence artificielle, dans "Après la grande migration" de Claude David (1928), raconte le départ de l'humanité pour les étoiles. "La Découverte de Paris" d'Octave Béliard (1911) met en scène des aventuriers du futur cherchant les ruines d'antiques cités européennes, tandis que la nouvelle "Anthéa" de Michel Epuy (1918) détaille l'exploration d'un mystérieux corps céleste apparu en orbite autour de la terre après le passage d'une comète.

Le recueil collecte aussi "Le Péril bleu" de Maurice Renard (1912), "Les Dieux rouges" de Jean d'Esme (1922), "Par-delà l'univers" de Raoul Brémond (1931), "Le Peseur d'âmes" de André Maurois (1931), "Les Signaux du soleil" de Jacques Spitz (1943) et "L'Apparition des surhommes" de BR. Bruce (1953). Cet ouvrage érudit et militant trouvera sa place dans toute bibliothèque de SF qui se respecte, comme un contrepoint harmonieux aux chef d'œuvres anglo-saxons de la même époque.

J-B.D.

article paru dans le Républicain Lorrain, le 31 décembre 2006
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