"Spin"
Robert Charles Wilson
(Denoël Lunes d'Encre - 548 pages - 2007)

Un jour, les étoiles et la lune disparaissent , sans spectacle : elles étaient là, elles n'y sont plus. Les satellites tombent au sol, ainsi qu'un survivant de la station spatiale internationale, qui déclare avoir vu la planète enveloppée dans un cocon de ténèbres, comme effacée du ciel. Très vite, on comprend que l'univers autour de la Terre a subi une ahurissante accélération du temps : lorsqu'une seconde passe pour les humains, plus de trois ans s'écoulent dans la galaxie!

Jason, sa sœur Diane et leur ami d'enfance Tyler sont adolescents lorsque survient le "spin", nom donné au phénomène de bulle temporelle qui isole la planète du reste du cosmos. Ils vont tous les trois réagir de façon différente à la terrifiante énigme, que Jason cherchera à résoudre scientifiquement, Diane préférant le refuge de la religion tandis que Tyler, le narrateur, accompagne tour à tour ses deux amis en gardant la tête froide.

Avec cette situation très originale, le canadien Robert Charles Wilson met en scène dans "Spin" (éditions Denoël, collection Lunes d'Encre) le temps cosmique de l'univers tout en invitant l'homme, éphémère microbe, au spectacle. L'histoire des trois protagonistes se développe sur plusieurs décennies, tandis qu'autour d'eux l'univers vieillit de plusieurs milliards d'années, donnant lieu à une interaction fascinante, d'une portée romanesque inouïe. La magnifique explication du mystère de ce roman a des conséquences inattendues et élabore une vision grandiose de l'histoire universelle, comme un puzzle ingénieux qui s'assemble dans les derniers chapitres.

Au delà de l'intrigue de pure SF où la spéculation s'appuie sur des données scientifiques, "Spin" déploie à la fois une subtile histoire d'amitié et trois destins humains marqués par une profonde interrogation existentielle. Le spin joue ici le rôle de nos propres énigmes universelles et nous tend un miroir avisé : face à nos questions sans réponse, sommes-nous plus proches d'un Jason positiviste, d'une Diane spirituelle ou d'un Tyler matérialiste et curieux, mais vide d'illusions? Où pire, comme le reste de la population dans le roman, vivons-nous dans le déni de ces terribles mystères, faisant comme si de rien n'était?

Robert Charles Wilson a déjà quelques romans à son actif, dont une dizaine traduits en français. "Spin" a été récompensé par le convoité prix Hugo 2006, et deux volumes à paraître, "Axis" et "Vortex", viendront explorer la richesse potentielle des révélations finales de ce roman hors norme, œuvre majeure de la science-fiction anglo-saxonne contemporaine.

J-B.D.

article à paraître dans le Républicain Lorrain