"La pluie du siècle"
Alastair Reynolds
(Presses de la cité et Pocket - 2008)

Précipitation fatale

Verity Auger, archéologue de l'an 2266, s'occupe d'ordinaire de l'exploration des ruines de Paris, sur la Terre couverte de glace depuis le terrible Nanocauste qui l'a ravagée et a contraint les humains à s'exiler en orbite et dans l'espace. Une nouvelle mission la conduit dans les profondeurs de Phobos, satellite de Mars, où elle découvre une technologie non-humaine manipulant les trous de ver et permettant de se déplacer jusqu'à l'autre bout de la galaxie en quelque heures seulement. Le voyage l'amène dans un tunnel qui débouche dans une station de métro parisienne...en l'an 1959 ! Un monde perdu que menace un déluge épouvantable.

Avec "La pluie du siècle" (Presses de la Cité), Alastair Reynolds nous propose une variation sur le thème du voyage dans le temps, jouant comme à son habitude avec les concepts les plus pointus de l'astrophysique moderne. Marier les trous de ver, l'hyperespace, les nanotechnologies, les ondes gravifiques, et un ersatz de voyage temporel sans dérouter le lecteur amateur n'est pas une mince affaire : Reynolds y parvient avec majesté et dévoile les trésors de poésie et d'aventure qui se cachent dans les étendues glacées de notre galaxie.

La catastrophe nanotechnologique qui a ravagé la planète a provoqué un schisme de l'espèce humaine : les Threshers ont juré de ne plus jamais toucher aux technologies invasives, les Slashers s'y donnent au contraire corps et âme dans l'espoir de les maîtriser. Cette approche réfère à la fois aux réflexions du courant cyberpunk (Gibson, Sterling, etc...), à la philosophie de la post-humanité et aux critiques des luddites. Le rapport entre l'homme et la machine se complexifie avec le temps, de nouveaux dangers apparaissent sans cesse, mais la question centrale demeure : qui de la machine et de l'homme utilise l'autre? Cette problématique donne au roman un second niveau de lecture et rappelle que la bonne science-fiction est aussi un outil de prospective très efficace, surtout lorsqu'elle est écrite par un astrophysicien.

Si ses quatre précédents romans, associés à quelques nouvelles, formaient une saga de plus de quatre mille pages (voir "Monument pour un millénaire", 7Hebdo du 07/10/07), "La pluie du siècle" sort du cycle. Situé plusieurs siècles avant la saga, on peut imaginer qu'il fait partie du même univers, mais aucun lien formel ne vient l'attester. Il constitue donc le roman idéal pour découvrir l'auteur le plus prometteur de la SF anglo-saxonne.

J-B.D.

article paru dans le Républicain Lorrain, le 09 mars 2008
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