"Night Watch : les sentinelles de la nuit"
Sergueï Loukianenko
(Albin Michel - 474 pages - 2006)

Les fantômes de la nuit moscovite

Connu comme le loup blanc en Russie, où il a vendu trois millions d'exemplaires d'une tétralogie fantastique, Serguei Loukianenko débarque en France avec la traduction du premier tome, "Les Sentinelles de la Nuit". Ce roman, assez mal adapté au cinéma dans un des premiers blockbusters russes ("Night Watch" de Bekmambetov, 2004), gagne à être découvert dans texte.

Dans les rues de Moscou, la nuit, se croisent dans la Pénombre des mages noirs, des mages blancs, des vampires et des lycanthropes. Ce sont les Autres, des surhommes dotés de pouvoirs magiques et partagés en deux clans antagonistes : la Lumière et l'Obscurité, les Clairs et les Sombres, luttant respectivement pour le Bien et le Mal. Les deux forces manichéennes ont conclu une trêve il y a des siècles, pour épargner au monde le fracas de leur combat mortel. Ils se surveillent constamment les uns les autres, par le biais des Sentinelles du Contrôle du Jour et celles du Contrôle de la Nuit, des flics occultes habilités à demander leurs papiers aux vampires !

Le spectre de l'ère soviétique règne sur cet étrange récit qui balance entre thriller d'épouvante et fable morale désabusée. Le héros, Anton, sentinelle lumineuse débutante, découvre l'envers de cet accord contre nature entre le Bien et le Mal, et réalise que la bonté la plus incontestable peut avoir des conséquences maléfiques, et inversement.

Si l'univers nocturne de Loukianenko est original, post-moderne et savoureux, la métaphysique approximative qui sous-tend l'intrigue est agaçante, et il faudra sans doute attendre la suite de la série (promise pour 2007) pourvoir s'étoffer le questionnement de personnages encore mal dégrossis. L'aspect politique de cette ténébreuse guerre froide est par ailleurs bien conçu et minutieusement rendu, dans un style ramassé fait de courtes phrases percutantes.

Serguei Vasilievitch Loukianenko est né au Kazakhstan en 1968, il est médecin psychiatre de formation, et vit à Moscou. Il est aussi l'auteur de nombreux romans de fantasy et de space-opéra non traduits à ce jour. Ce grand gaillard moustachu, admirateur déclaré de Vladimir Poutine, est une vedette populaire dans son pays. Albin Michel rêve pour son œuvre d'un effet Harry Potter pour les grands. A suivre avec "Les Sentinelles du Jour", "Les Sentinelles de la Pénombre" et "Les Dernières Sentinelles".

J-B.D.

article paru dans le Républicain Lorrain, le 14 janvier 2007
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