Progéniture de l'agonie

La sud-africaine Lauren Beukes a un truc avec les villes. La journaliste/scénariste/documentariste a le don d’en saisir l’âme, la substantifique moelle, pour en faire non seulement le décor mais un personnage de ses romans. C’est Le Cap qui nous est dévoilé dans «Moxyland», Johannesburg dans «Zoo City», tandis que Chicago irrigue «Les lumineuses».
Pour son nouvel opus, direction Détroit : la cité en déclin, la ville en faillite, avec son chômage et sa délinquance, ses fantômes industriels, sa population afro-américaine et le siège de la mythique Motown. La métropole à l’agonie se cherche une voie de salut et pourrait bien la trouver chez les artistes et leur chambre d’écho, les réseaux sociaux. Les graffeurs, photographes, documentaristes et performeurs, qui exploitent l’esthétique des ruines, le fameux «ruin-porn» à la mode.
Bon, d’accord. Mais il y a des limites au cynisme, à la célébration de la mort et de la violence. C’est ce que pense l’inspectrice Gabriella Versado lorsqu’elle trouve une ignoble sculpture, composé du haut du corps d’un jeune garçon collé aux membres inférieurs d’un cerf…
Commence alors une effroyable histoire qui verra se rejoindre l’enquête de la policière, la dangereuse chasse au pédophile sur internet que mène sa fille Layla, la recherche de scoop d’un journaliste raté, et les errances d’attachants sans-abris. La terrifiante saga d’un psychopathe qui se rêve artiste, chrysalide de la nouvelle âme de la ville qui cherche à naître.«Les Monstres», thriller polar teinté de fantastique, acclamé par la critique des deux côtés de l’Atlantique, viendra vous glacer l’échine dans les dernières chaleurs estivales. Epouvantable et délicieux !