"Grande Jonction"
Maurice G. Dantec
(Albin Michel - 775 pages - 2006)

Dantesque Apocalypse

La fin du monde humain ne prendra pas la forme d'une apocalypse nucléaire, d'une catastrophe écologique ou d'une déflagration cosmique. L'homme, esclave de la technologie numérique, disparaîtra avec ses machines, au gré d'un lent cataclysme, d'une effroyable régression qui démontera le monde à rebours de sa création.

Au carrefour improbable où se croisent, la spéculative fiction, le rock et la métaphysique chrétienne, l'oeuvre littéraire atypique de Maurice G. Dantec s'enrichit d'un sixième roman, dense et visionnaire. Les inconditionnels vont dévorer cet automne "Grande Jonction" (Albin Michel, 773 pages, 25 euros), dans les librairies depuis fin août, nouvelle pierre dans le jardin de ses détracteurs.

2069, et toujours le même univers : notre futur imminent. Grande Jonction est un territoire autonome d'Amérique du Nord, où de petites communautés chrétiennes tentent de survivre dans un décor de western cyberpunk. Depuis que la maladie des machines a détruit la civilisation technologique et la moitié de la population du globe, l'ultime cataclysme est en marche et menace d'exterminer le parc humain et avec lui la vie, transformant la planète en désert. Un gamin guérisseur, deux chasseurs de prime, un théologien, et un chien cybernétique qui parle attendent l'arrivée d'une cargaison de milliers de livres en provenance du Vatican, escortés par des moines soldats. Ils tentent de comprendre le fléau qui progresse et d'élaborer une stratégie de survie.

Servi par une prose flamboyante, une intrigue techno-mystique, une sombre poésie de la destruction, et la philosophie des Pères de l'Eglise, "Grande Jonction" est un cocktail étrange mais envoûtant, moins complexe que le précédent roman, "Cosmos Incorporated" (Albin Michel 2005) et accessible à tout lecteur curieux. Traquer l'Antéchrist dans le désert aux côtés de frère Maurice n'est pas une aventure qui se refuse.

J-B.D.

article paru dans le Républicain Lorrain, le 03 septembre 2006
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