"L'IA et son double "
Scott Westerfeld
(J'ai Lu Millénaires 2002)

Designer de logiciels éducatifs, compositeur de musique électronique, chroniqueur pour la revue Nature et auteur de trois nouvelles non traduites (Polymorph - Penguin 1997, Fine Prey - Penguin 1998, and Evolution's Darling - Four Walls Eight Windows 2000 ), Scott Westerfield nous livre avec "L'IA ET SON DOUBLE" son premier roman traduit en français.

Dans un champs d'écriture poétique, sensuelle et résolumment contemporaine (qui n'est pas sans rappeller un Ian Banks), Scott Westerfield nous invite à voyager aux côtés d'une Intelligence Artificielle devenue un être pensant autonome et libre. "Chéri" est l'IA qui pilote le vaisseau d'un chasseur de scoop, qui vit seul avec sa fille dans l'espace. Sa fille qui n'a personne d'autre avec qui jouer et parler que "Chéri".

Le roman s'ouvre sur la période qui voit le changement de l'IA, long chapitre consacré à montrer comment la fréquentation d'une jeune fille pubère peut transformer une machine en être sensible! Ces pages délicieuses plantent déjà tout ce qui fait le charme de ce livre inoubliable. Véritable réflexion sur ce qui distingue un être pensant d'une simple machine à calcul, "L'IA ET SON DOUBLE" éclate le cadre de pensée ordinaire de l'homme et de son avenir, en nous proposant une alternative poétique envoûtante.

S'étalant sur plusieurs siècles, le récit nous entraîne l'air de rien dans un véritable space-opéra, où la passion de l'auteur pour l'art et la technologie nous prend de cours et nous séduit à jamais. La dernière page refermée, les personnages nous hantent encore, sans parler des perspectives étourdissantes que brosse l'histoire: un futur où il serait possible de copier à la perfection un être pensant, où l'être ne serait plus l'apanage du vivant, où la sexualité humain-machine ouvrirait des horizons sensoriels inconnus, etc...

Véritable petit bijou, ce roman est véritablement incontournable pour tous ceux que l'actuel engouement technologique déçoit par son manque de perspective. On est loin ici des concepts convenus sur les robots et les ordinateurs, on retrouve avec plaisir la fièvre qui animait les premiers écrits cyberpunk, et pas question ici de prendre des antibiotiques: que la fièvre demeure et que l'auteur se dépêche de nous remettre une dose de son virus cosmique!

J-B.D.

paru dans SF MAG N°28 et sur le site Territoires Alternatifs en 2002