"La machine à explorer l'espace"
Christopher Priest
(Gallimard Folio 2001)

Au cours d'une nuit du mois d'Avril 1893, dans le Yorkshire, Edward Turnbull, représentant de commerce en maroquinerie, fait la connaissance d'Amélia Fitzgibbon, secrétaire d'un inventeur célèbre, Sir William Reynold. Très attiré par la demoiselle autant que par l'opportunité professionnelle présentée par son employeur, Edward se débrouille pour être invité chez Sir William. Il y découvrira les étranges inventions du génial chercheur, et la plus étonnante d'entre elle, la Machine à explorer l'Espace, se chargera d'envoyer le joli couple victorien … sur Mars, où l'aventure ne fera que commencer.

Publié en 1976, " The Space Machine " est un splendide hommage au père fondateur d'une certaine SF, H.G. Wells. Récupérant l'invention de " La Machine à Voyager dans le Temps " et s'inspirant de l'invasion des martiens décrite dans " La Guerre des Mondes ", Christopher Priest prend cette dernière à revers et envoie son couple de héros sur Mars constater les préparatifs de l'attaque. De retour sur Terre dans un aéronef martien, Edward et Amélia feront même la connaissance d'un certain H. G. Wells, qui les accompagnera jusqu'à la fin du roman !

Mais la saveur sympathique de ce cadre référentiel ne doit pas cacher l'œuvre, qui ne doit rien à personne d'autre qu' à Christopher Priest. On pourrait même dire que " The Space Machine " , en se ré-appropriant le mythe, le critique et le pervertit dans le bon sens du terme pour lui faire porter un autre message, pour ouvrir d'autres horizons. Impuissants devant les événements, résistants pitoyables collectionnant les petites victoires inutiles, les héros de " The Space Machine " remettent l'homme à sa place parmi les étoiles. La merveilleuse articulation des poncifs d'une littérature populaire aux accents colonialistes, couplée à cette inversion du sens, donne une gourmandise à avaler d'urgence, en mâchant bien pour ne pas gâcher le plaisir.

On savait que Christopher Priest était un petit génie de la SF depuis Le Monde Inverti, mais trois décennies creusent l'oubli, hors il est urgent de se souvenir ! La peur de l'invasion d'extra terrestres a produit une littérature très nombreuse, et " The Space Machine " n'apporte de ce point de vue qu'une originalité rétrospective. Mais on retiendra qu'il s'agit d'un roman typiquement " steampunk ", écrit dix ans ans avant la naissance de ce sous-genre de la SF (une sorte d'ouvrage " proto-steampunk ", osent certains spécialistes). Une raison de plus pour le lire.

J-B.D.

paru sur le site Territoires Alternatifs en 2003