La vie d'Andrew Hale est toute entière nimbée de cette aura d'étrangeté qui fait tout son charme: il a sept ans lorsque sa mère lui fait rencontrer son "parrain" à Londres, qui lui apprend qu'il est sous la protection de la "Couronne", sans lui expliquer ce que cela peut signifier; il est à peine majeur en 1941 quand il devient membre des services secrets britannique, agent double infiltré dans les services soviétiques à Paris; il est l'un des rares survivants à pouvoir témoigner de l'hécatombe de 1948 qui marque l'échec du mystérieux projet DECLARE sur le mont Ararat, en Turquie; enfin, il est professeur de littérature à Oxford depuis plus de dix ans lorsqu'en 1963, le projet DECLARE est réactivé...

Espionnage, guerre mondiale et guerre froide sont le décor d'une guerre secrète qui fait rage autour d'entités surnaturelles plus vieilles que les hommes: les fameux djinns, les génies des contes des mille et une nuits. Plongeant dans la nuit des origines de l'humanité, entremêlant les points de vue mystiques, occultes, politiques dans une gigantesque aventure historico-fantastique, Powers livre une oeuvre aboutie et d'une rare profondeur au rythme d'un haletant suspense digne d'un John Le Carré.

Alternant dans son récit ces quatre périodes de la vie de son personnage principal, Tim Powers joue comme à son habitude avec brio des correspondances temporelles, et nous réinjecte ses thèmes favoris: la magie, les élémentaires, les pactes qui les unissent aux humains, et tous les rituels pittoresques qui leurs sont liés. Une constance thématique, mais une variété jamais démentie. La richesse de l'imagination de l'auteur explose à nouveau, tandis que son écriture s'étale, devient plus précise et mature, encore plus englobante que dans les romans précédents.

On peut donc applaudir à deux mains cette initiative éditoriale de Denoël Lunes d'Encre, même s'il convient de discuter le choix de la séparation du roman en deux tomes. En effet, acheter 46 € ce que J'ai Lu propose à moins de 10 € (traduction comprise), ça n'est jamais agréable, même pour un chef d'oeuvre comme Declare...