"American gods"
Neil Gaiman
(Au Diable Vauvert 2002)

Lorsqu'ils arrivèrent sur le continent américain, les premiers émigrants de l'antiquité (vikings, égyptiens, romains, …) apportèrent avec eux leurs dieux et leurs cultes. En mêlant à la terre le sang de leurs sacrifices humains, les prêtres offrirent à leur divinités de profondes racines dans ces nouveaux territoires. Des siècles plus tard, ils sont toujours là. Odin, Loki, Anubis, Thoth, les Parques, et une foule de créatures mythologiques immortelles habitent l'amérique, isolés dans de petits villages ou fondus dans l'humanité urbaine. Mais leur pouvoir est chancelant, plus personne ne croit en eux, et ils sont menacés de disparition par les nouvelles idoles des dogmes technologiques américains, comme la Ville, l'Internet, le Cinéma.

Avec American Gods, le britannique Neil Gaiman (quarante-et-un ans, marié, trois enfants) emporte le très prestigieux Prix Hugo 2002 du Meilleur Roman. Après, Miroirs et Fumées, De bons présages (avec Terry Prattchett), Stardust, et Neverwhere, le scénariste adulé des amateurs de comics (Sandman, Death) entre dans la cour des auteurs majeurs de science fiction. Que l'on range son œuvre naissante dans la SF, le fantastique-rock, ou la fantasy importe peu désormais : Neil Gaiman et sa voix personnelle, originale et inclassable, son style " so british " et ses univers oniriques font désormais partie des monuments vivants du patrimoine mondial de la littérature de l'imaginaire.

Tandis que Neverwhere laissait déjà entrevoir les fondements d'une œuvre future plus étoffée, American Gods honore cette promesse avec brio. L'auteur trouve son rythme, plus lent, plus introspectif, moins tributaire de l'action, et nous ouvre une fenêtre sur son imaginaire sombre et hanté de figures récurrentes. Affinant encore son regard sur l'homme et sur son rapport universel aux mythes et aux religions, Neil Gaiman nous propose d'accompagner le Voyageur, ancien dieu viking, et Ombre, son nouveau garde du corps, tout au long d'un incroyable road-movie à travers les Etats-Unis. Voyageur ne cesse de se déplacer, à la recherche de ses semblables. Il sonne le rassemblement. L'heure à sonné. C'est la guerre. Les anciens dieux contre les nouveaux.

Neil Gaiman se souvient. " American Gods a commencé bien avant que je sache que j'allais écrire un roman nommé American Gods. Ca a commencé en mai 1997, avec une idée que je ne pouvais pas me sortir de la tête. Je me suis retrouvé à y penser la nuit dans mon lit avant de m'endormir, comme si je regardais un clip vidéo dans ma tête. Chaque nuit j'ai vu quelques autres minutes de l'histoire. En juin 1997, j'ai écrit ceci sur mon palm : Un type devient garde du corps d'un magicien. Le magicien est un mec super classe. Il offre le travail au type en le rencontrant dans un avion – il est assis à côté de lui. Suite d'événements pour en arriver là, incluant des vols ratés, annulations, placement inattendu en 1ère classe, et le type assis à côté de lui se présente et lui offre un emploi. En fait, sa femme vient juste de le quitter. Il dit oui. " .

Quatre ans plus tard, American Gods était achevé. Hommage d'un britannique aux véritables premiers découvreurs de l'Amérique, épopée humaine sur fond de quête identitaire, œuvre d'archéologie culturelle et mythologique inédite, thriller mystique captivant, ce cadeau des dieux est à dévorer de toute urgence puis à relire comme un livre de mystères… au sens païen du mot !

J-B.D.

paru sur le site Territoires Alternatifs en 2003