Six ans après la première publication de ce roman sous le titre "Parleur" aux éditions J'ai Lu, Ayerdhal est devenu un auteur incontournable du paysage SF fraçais. On lui doit "L'Histrion" et "Sexomorphoses", la série "Cybione", "La Bohème et l'Ivraie", et la réédition de ce que d'aucun jugent comme l'un de ses meilleurs romans est un véritable hommage.

"Parleur ou les Chroniques d'un rêve enclavé" nous conduit au coeur d'un quartier, dans une cité médiévale exangue et harassée d'impôts, aux portes de la famine. Le récit nous conte l'histoire d'une résistance, d'une survie collective au gré d'un hiver terrible, au jour le jour, aux côtés des habitants du quartier. Parleur le pélerin apporte sa parole qui organise, fait réfléchir, rassure et donne du coeur à l'ouvrage. Parleur parle et un groupe se constitue autour de lui, une nouvelle entité sociale solidaire, généreuse, affamée de justice.

Construit en alternance entre le récit de Vini, la soeur d'un poète disparu, et la correspondance de deux chefs de la Ghilde, organisation politique manipulatrice, l'auteur nous donne à voir la construction progressive d'une utopie réaliste, à tous ses niveaux, depuis les complots des puissants jusqu'au vécu quotidien des concernés.

Les hommes entre eux face à la misère ou des différentes façons d'appréhender les difficultés... A son habitude, Ayerdhal se distingue par la parfaite maîtrise de la mécanique politique de la situation, et son art est ici remarquable. Sur le modèle de la Commune (ici la Colline, les Communards deviennent Collinards), on voit un quartier entier rêver d'autonomie et de liberté politique, et pendant un temps, y croire.

Si les personnages sont saisissants de vérité et que le récit absorbe à la manière d'une légende hypnotique efficace, on regrettera une overdose de bon sentiments et d'héroïsme qui fini par éroder la richesse politique et humaine de l'histoire. Si ce n'est pas son travail le plus stupéfiant, "Parleur" est cependant une excellente entrée en matière au sein de la collection Au Diable Vauvert. A quand un inédit?